Conduirons-nous un jour nos voitures par la pensée, sans même avoir à poser les mains sur le volant ? Traduirons-nous nos émotions directement sous forme de vidéos, de textes ou d’images ? Pourrons-nous continuer à marcher même après avoir perdu l’usage de nos jambes ? En plein essor, les technologies de connexion directe du cerveau à l’ordinateur rendent déjà possible tous ces prodiges et feront sans doute partie de notre quotidien dans un futur pas si lointain.
Immersion virtuelle totale
Allongé dans un fauteuil d’astronaute, le crâne branché sur un long câble électrique, Keanu Reeves plonge dans un sommeil profond pour se retrouver au sommet d’un gratte-ciel new-yorkais, esquivant des tirs de pistolet avec la souplesse d’un cobra avant de stopper en plein vol un hélicoptère à l’aide d’une simple corde. Nous avons tous vibré aux aventures virtuelles des héros de Matrix, et il se pourrait bien que nous leur emboîtions le pas dans quelques années. Pas d’invasion de machines en perspective mais plutôt la capacité de connecter directement le cerveau à un ordinateur en utilisant une interface neuronale directe (BCI pour Brain Computer Interface en anglais). Les besoins des réalités virtuelles et augmentées ont récemment donné un coup d’accélérateur à ces technologies de pointe. Difficile en effet, lorsque l’on est immergé dans le metaverse, d’interagir physiquement avec le monde réel. C’est donc par la pensée, en se branchant directement sur notre activité cérébrale, qu’il faut passer pour remplacer les claviers, joysticks et autres souris.
Changer la face du handicap
Si les synergies entre les technologies BCI et les mondes virtuels ont de quoi faire rêver, les applications actuelles sont néanmoins avant tout axées sur l’assistance aux personnes en situation de handicap. Deux entreprises en particulier sont en tête dans ce domaine. La première, Neuralink, développe des interfaces neuronales homme/machine, notamment la puce N1, un implant placé chirurgicalement et grâce auquel l’utilisateur peut piloter une large palette d’appareils. La seconde, Paradromics se spécialise quant à elle dans l’acquisition et la transmission des données du cerveau, là aussi à l’aide d’un implant, baptisé Connexus, spécifiquement conçu pour la prise en charge et le contrôle de prothèses de tout type, y compris les plus avancées technologiquement. Grâce à lui, le cerveau envoie des ordres directement à la prothèse qui peut ainsi reproduire parfaitement les caractéristiques d’une jambe, d’un bras mais aussi d’un œil ou d’un tympan. En moins de 5 ans, les progrès accomplis sont impressionnants, avec des applications concrètes qui augurent d’une véritable transformation de nos modes de vie.
L’IA pour seconder le cerveau
Mais alors, l’interface neuronale directe, comment ça marche ? Jusqu’à récemment, les recherches portaient essentiellement sur l’utilisation des signaux électriques émis par le cerveau comme déclencheurs d’actions physiques simples et limitées. Dès les années 60, on parvenait ainsi à allumer et à éteindre une ampoule en plaçant un récepteur électroencéphalographique sur la tête d’un sujet. On a ensuite pu raccorder des prothèses au système nerveux, en utilisant à nouveau les signaux électriques du cerveau pour obtenir une réponse mécanique. C’est une approche radicalement différente qui est utilisée aujourd’hui. La connexion directe au cerveau est couplée à une intelligence artificielle qui filtre puis traite la masse d’information générée par les synapses en temps réel, il n’y a plus d’intermédiaire entre la pensée et la machine. Les données sont interprétées comme un langage, elles communiquent des informations précises et permettent d’avoir de vraies courbes d’apprentissage et d’accomplir des tâches d’une extrême complexité.
Un avenir à construire
Les applications possibles donnent vite le vertige. Les cerveaux connectés seront théoriquement capables de télécharger des informations à l’instar d’un disque dur, mais aussi de ‘sauvegarder’ une copie de ce disque dur, donc d’enregistrer l’identité globale d’une personne dans un ordinateur. Nous pourrions communiquer ‘télépathiquement’ de cerveau à cerveau, piloter nos appareils mobiles d’une simple pensée, partager dans les moindres détails nos émotions… Récemment acquise par Snapchat, la start-up NextMind a mis au point une interface externe capable de retranscrire les stimuli du cortex visuel en commandes numériques. Concrètement, il suffit de penser à une image pour qu’elle soit recréée digitalement… et postée sur le réseau social. De nombreuses questions éthiques sont évidemment soulevées par ces développements. La prochaine frontière technologique sera donc avant tout définie par la mise en place de codes déontologiques. The Matrix restera encore dans le domaine de la science-fiction pour quelques temps et nous profiterons encore un peu de nos sensations de conduite les mains bien calées sur le volant. Mais pour les personnes atteintes de paralysie ou de maladie dégénérative, la connexion directe au cerveau est déjà un immense signal d’espoir.