Depuis l'été 2019, toutes les voitures électriques et hybrides nouvellement immatriculées dans l'UE doivent émettre un son artificiel. L’occasion idéale de demander aux concepteurs sonores d'Audi comment ils ont produit ce son. Voici déjà un indice : un didgeridoo résonnait dans le bureau.
Trois ordinateurs portables. Trois écrans d’ordinateur. Trois haut-parleurs. Des tables de mixages et des câbles de toutes les couleurs. Voilà à quoi ressemble le bureau de l’ingénieur de son Audi Rudi Halbmeir. Derrière lui, un didgeridoo, une guitare, un archet de violon et un synthétiseur sont posés contre une armoire. Sommes-nous dans un studio ? Ses collaborateurs en ont parfois l’impression. Et dans un sens, on s’en rapproche. Car à son bureau, Halbmeir est en train de mixer le son utilisé pour le bruit extérieur de voitures comme l’Audi e-tron pour la Chine et les États-Unis.
Le clou du spectacle se trouve sous son bureau ; où une pédale d’accélération et un haut-parleur lui permettent d’accélérer une Audi e-tron fictive tout en entendant le son au même moment. Il appuie sur la pédale, le son s’intensifie, des amplitudes virtuelles oscillent sur l’écran… On pourrait en avoir des frissons. Alors que pour Halbmeir, il s’agit d’une journée de travail comme les autres. Il tourne quelques boutons de mixage et clique sur les bandes sonores. « Nous avons développé nous-même l’interface utilisateur. Ce que nous voulions ne se vendait pas à l’époque. » Rudi utilise donc un studio fait maison. En acheter un était sans doute trop facile.
Comment sont créés les bruits des voitures électriques ?
Depuis 2009, Halbmeir est responsable de l’acoustique des modèles Audi. Après une formation d’électricien et un diplôme d’ingénieur en mécanique, il a fait de son hobby son métier. « Je joue sept instruments et dispose de mon propre studio à la maison. Mon patron pensait : son profil pourrait convenir », ricane-t-il.
Depuis lors, il a construit une base de données de plus de 100 sonorités et mélodies. « Il y a différents sons de synthétiseur ainsi que des bruits de circulation routière enregistrés là-dedans. J'aime expérimenter. Qu'est-ce qui fait un bon son ? Jouer de la guitare avec l'archet de violon, ou des sons de didgeridoo ", révèle Halbmeir, avant de jouer une longue note sur le didgeridoo pour prouver son argument.
Les sons réagissent aux mouvements de la voiture électrique
À quoi ressemble le bruit extérieur parfait pour l’Audi e-tron ? Peu importe l’environnement où elle se trouve, ce bruit doit attirer l’attention. Selon les régulations européennes, les sons doivent être clairement audibles jusqu’à une vitesse de 20 km/h. Cela permet de signaler aux cyclistes qu’une voiture se rapproche, accélère ou freine. « Nous le faisons à l’aide du volume mais aussi de modulations du son », explique Halbmeir. Car le cerveau identifie les sons monotones et constants comme étant simplement du bruit de fond.
La définition du son — quel est le son d’une voiture électrique ?
Le son ne peut pas être ennuyant ou déplaisant. La fréquence et le volume sont déterminants. Le facteur décisif sera de trouver le bon mix de tonalités qui créent le son. « C’est comme une symphonie. Le son extérieur de l’Audi e-tron, par exemple, est créé à partir de 30 sons différents superposés. 15 d’entre eux sont joués à tous moments. J’appelle ce type de son ‘technico-réaliste’, pas trop harmonique. Autrement les gens n’en seraient pas conscients », explique Halbmeir.
Quand il compose, il fait confiance à son intuition. « Je me laisse guider par les différentes tonalités. Je sens, j’écoute, je ressens la musique. Mon instinct est souvent plus important que mon oreille. »
Ouvrez grand vos oreilles — le test du son de l’e-tron
Dans le laboratoire sonore, Stephan Gsell et Rudi Halbmeir testent le son au bureau mais aussi dans la voiture, à savoir une Audi e-tron. « C’est très important, car les haut-parleurs sont différents et les sons sonnent différemment quand ils viennent de la voiture », précise Halbmeir. Tous les deux s’installent dans l’Audi sound lab. « Il s’agit d’une chambre semi-anéchoïque. Cela signifie que la pièce ne réfléchit pratiquement pas le son du plafond et des murs, mais a un sol en asphalte normal qui réfléchit le son », justifie Gsell, titulaire d’un doctorat en ingénierie électrique et membre de l’équipe acoustique depuis 2015.
Le laboratoire paraît sorti du futur avec les morceaux de mousse sur les murs et les plafonds. Au milieu de tout cela, un modèle de démonstration de la technologie e-tron est entouré de petits microphones. Nos voix disparaissent presque dans la pièce. Nous avons l’impression d’être dans un avion ou de porter un casque antibruit.
Le bon son pour chaque mouvement du véhicule électrique
Où le son externe se cache-t-il sur l'Audi e-tron ? Dans un petit haut-parleur situé devant la roue avant droite. Si la voiture roule en marche arrière, ou plus vite, le niveau augmente et le bruit s’intensifie. Le son est ajusté dynamiquement en fonction des paramètres de conduite, tels que la vitesse ou le poids. « Le bruit ne doit pas seulement répondre aux exigences légales, il doit aussi être agréable à écouter et être un son plaisant dans l'ensemble. Si vous conduisez une Audi, vous devriez entendre Audi », éclaire Gsell, ingénieur du son.
Le département d'acoustique des véhicules a décidé d'éviter les caractéristiques acoustiques d'une voiture conventionnelle non électrique lorsqu'il s'agissait de l'Audi e-tron. « Elle doit résonner comme une voiture électrique, et non comme un moteur à combustion », dit Halbmeir. Autre détail intéressant : en raison des différentes exigences de niveau, la première voiture électrique Audi aura exactement le même son aussi bien en Europe en qu’en Chine, alors que la version américaine présentera un son différent.
Silencieuse hier, bruyante aujourd’hui
Halbmeir écoute une dernière fois le son de l’Audi e-tron et conclut avec malice : « C’est marrant, avant je devais rendre les voitures les plus silencieuses possibles. Et maintenant, je dois veiller à ce qu’on les entende grâce à des bruits artificiels. »