L’évolution de la mobilité électrique – des voitures aux vélos en passant par les trottinettes – n’en finit pas de modifier nos besoins en énergie. En imaginant des solutions technologiques toujours plus innovantes, chercheurs et ingénieurs parviennent à puiser l’électricité dans les recoins les plus insoupçonnés, sur l’eau ou même dans l’air qui nous entoure.
Monter en puissance
L’électricité est partout autour de nous, comme un trésor caché. Une source d’énergie quasi inépuisable qui jaillit du mouvement : celui du vent dans les pales des éoliennes, celui des rivières retenues par les barrages, celui des électrons des panneaux photovoltaïques frappés par les rayons du soleil, celui des alternateurs des centrales nucléaires ou thermiques.
Devenue indispensable à nos modes de vie, elle est d’autant plus précieuse lorsqu’elle s’affranchit des combustibles fossiles et se fait naturelle, renouvelable et durable. Alors de nombreux chercheurs et inventeurs ont fait des rêves d’alchimistes en imaginant la puiser dans les recoins les plus fous, sur le roulis des vagues ou dans les mini décharges qu’échangent entre elles les molécules d’eau présentent dans notre atmosphère. À l’heure de la mobilité électrique et de la transition énergétique, leurs rêves deviennent réalité. Ils dessinent un avenir prometteur, porté par la technologie et par la magie de quelques découvertes inattendues.
Éclair de génie
« C’est arrivé par hasard, presque par erreur », lance le professeur Jun Yao. Il y a cinq ans, dans un laboratoire de l’université du Massachusetts UMass, son équipe a réalisé l’un des plus vieux défis de la physique : produire de l’électricité à partir de l’air. Mais sans le faire exprès. « Nous voulions en fait fabriquer un simple capteur d'humidité de l'air. Pour une raison quelconque, l'étudiant qui travaillait sur ce capteur a oublié de le brancher, mais le capteur a néanmoins continué à produire des signaux électriques ». Après analyse, il s’est avéré que les molécules d’eau parvenaient à pénétrer dans les nano conduits de l’appareil sur les parois desquels elles venaient se cogner en libérant de micro-décharges électriques. « C'est un peu comme une batterie », explique M. Yao. « Vous avez une traction positive et une traction négative, et lorsque vous les connectez, la charge circule ». Désormais mis en application, le procédé permet de fabriquer des sortes de dalles capables de convertir l’humidité ambiante en courant électrique et d’alimenter d’ores et déjà de petits équipements. Avec un potentiel de développement qui pourrait révolutionner notre production d’énergie.
Une question d’échelle
Exploiter l’électricité en petite quantité a toujours posé le problème de la résistance kinétique. Pour le dire plus clairement, on perd beaucoup d’énergie à en créer quand on doit la transférer. L’exemple le plus parlant est celui de la lampe de poche à recharge manuel. On mouline une grosse quantité d’huile de coude pour un résultat souvent décevant et pour un temps d’éclairage très limité. Les pertes et les frottements liés au transfert mécanique réduisent le gain de puissance électrique à presque rien. Qu’à cela ne tienne, la start-up américaine Wavr, basée à Hawaï, a conçu Prime Movr, un générateur révolutionnaire capable de convertir l'énergie cinétique en électricité à faible vitesse, sans la complexité ou les pertes mécaniques imposées par une boîte de vitesses. L'axe de rotation du Prime Movr est orienté orthogonalement au champ gravitationnel. Lorsque l'aimant est soulevé, il roule sur sa piste en créant un champ magnétique mobile dont la vitesse est supérieure à la vitesse de rotation du rotor. Par rapport à un alternateur traditionnel, c'est cet aimant à déplacement radial plus rapide qui induit plus de courant dans la bobine adjacente. Pour mieux comprendre, une vidéo vaut mieux qu’un long discours.
Mare electricum
Ce degré de liberté supplémentaire est la clé qui permet d'exploiter le potentiel de la conversion de l'énergie mécanique à faible vitesse et à vitesse variable, comme le mouvement des vagues, de courants d'eau ou de vent à faible débit. En partant du Prime Movr, Wavr a pu mettre au point son véritable cheval de bataille, le Wave Energy Converter (WEC), un appareil modulaire, imprimé en 3D, qui flotte à la surface de l’eau et convertit les oscillations de l’océan en énergie. Avec des extensions solaires et éoliennes qui peuvent lui être ajoutées. « Nous ne voulions pas partir d’un concept à grande échelle qui reposerait uniquement sur la force d’une grosse vague », explique Clyde Igarashi, fondateur de Wavr. « Mais nous avons gardé la possibilité de relier les modules entre eux pour créer une chaîne de grande taille si besoin ». Une adaptabilité qui a le mérite de rendre le modèle économique viable et de mettre la technologie la portée de tous. Demain, sur les plages de la mer du Nord, peut-être pourrons nous à notre tour moissonner la mer et les airs…