La question du parking se pose de façon cruciale dans toutes les métropoles du monde. Le cabinet d’architectes danois Tredje Natur, tenant d’une philosophie urbanistique innovante, a imaginé une solution révolutionnaire qui tient à la fois compte des nécessités budgétaires, des impératifs environnementaux et de la gestion raisonnée des espaces publics. Ou comment mettre en application le principe d’Archimède pour diminuer l’impact des crus tout en fluidifiant la mobilité.
L’architecture au service de tous
Fondé en 2012 par Ole Schrøder et Flemming Rafn, Tredje Natur – troisième nature en danois – prône une nouvelle voie dans l’éternel combat entre la nature et la ville. Le cabinet d’architectes basé à Copenhague cherche, selon ses propres termes, à trouver des solutions humaines à des problèmes causés par l’homme. « Nous entrons dans une nouvelle ère », poursuit Flemming Rafn. « Nous devons repenser notre rôle de gardiens de la planète, sans pour autant sombrer dans le romantisme du ‘tout nature’. Il ne s’agit pas de choisir entre la technologie et le laisser-faire, entre les besoins urbanistiques et la protection de l’environnement, mais bien de réconcilier les approches pour réoccuper de façon intelligente les territoires urbains et pour explorer de nouveaux espaces entre construction et paysage. »
Une vision synthétique et inclusive qui passe par des concepts à la fois très innovants et très concrets, au travers d’une forme de simplicité complexe parfaitement revendiquée : « Dans le domaine de la construction, tout est toujours incroyablement compliqué. Pourtant, bien souvent, les réponses sont évidentes et terre à terre. Chez Tredje Natur, nous ne pensons pas que l’architecture doit être faite pour la gloire de l’architecte. Elle doit être conçue comme un élément fondamental de notre vie quotidienne et s’intégrer pleinement à notre environnement, en nous rapprochant de la nature tout en répondant à nos besoins. »
Eureka !
‘Tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale vers le haut, égale au poids du volume de liquide déplacé’… En appliquant le principe d’Archimède à un bâtiment aussi imposant qu’un parking sur plusieurs niveaux, le projet Pop-Up illustre parfaitement la philosophie de Tredje Natur. Il combine un immense réservoir d’eau dans lequel s’intègre une structure de parking qui monte et descend en fonction du remplissage du réservoir, à l’instar d’un bouchon dans un verre. Par temps sec, le réservoir est vide et la structure fonctionne comme un parc de stationnement souterrain classique, accessible par des rampes. En cas de précipitations, l’eau de pluie est recueillie dans le réservoir via le puits central et via le système de trop plein des égouts. Selon l’intensité des intempéries, le réservoir se remplit plus ou moins et le parking monte en proportion. Des roulements hydrauliques et mécaniques compensent la répartition des véhicules garés afin d’assurer l’élévation en toute sécurité de façon uniforme. La forme circulaire de l’ensemble garantit une meilleure flottaison et permet au parking de monter jusqu’à son plus haut niveau dans le cas d’une crue centennale ou d’une inondation, tout en restant toujours accessible aux voitures ainsi qu’aux piétons.
Trois défis, une solution
Conséquence visible du réchauffement climatique, les phénomènes d’inondation sont de plus en plus fréquents. Le projet Pop-Up est de ce point de vue d’autant plus pertinent, comme le souligne Flemming Rafn : « De nombreuses métropoles consacrent une grande partie de leur sous-sol à des espaces dont le but est d’absorber le trop plein d’eau en cas de cru ou de précipitations exceptionnelles. Il s’agit d’une perte d’espace conséquente, dans des zones urbaines où les espaces verts sont souvent peu nombreux et où les mètres carrés sont précieux. Comment concilier le besoin de places de parking, le maintien d’un cadre de vie agréable et la gestion des inondations ? Sachant que les constructions enterrées coûtent environ trente fois plus cher qu’un simple parking au sol… Plutôt que d’additionner les coûts d’un réservoir souterrain, d’un parking et d’un espace de vie, nous avons regroupé les trois en un seul bâtiment, conçu comme un navire autosuffisant. »
Totalement visionnaire, le projet Pop-Up, conçu dans un premier temps dans le contexte de l’île de Manhattan à New York, est parfaitement adaptable à d’autres sites. En collaboration avec les entreprises d’ingénierie COWI et RAMBØLL, Tredje Natur en a validé la faisabilité : « Techniquement, Pop-Up est totalement réalisable. Comme souvent dans le domaine de l’innovation urbaine, ce n’est pas la technologie qui nous freine mais la frilosité des différentes parties prenantes et l’évolution parfois lente des mentalités. Il y a naturellement une part de risque à prendre lorsqu’on souhaite être précurseur. L’aspect financier peut être une motivation supplémentaire de ce point de vue. En superposant trois éléments - espace public, parking, réservoir - sur une seule et même surface, nous libérons en effet deux fois plus de mètres carrés qui peuvent être réattribués à d’autres projets de développement. »
Le futur selon Tredje Natur
Village touristique durable au Japon, intégration de zones de logement et de bureaux dans un écosystème naturel aux Pays-Bas, tour d’habitation upcyclée au Danemark, cité ‘régénérative’ en Norvège… Tredje Nature multiplie les innovations avec toujours le même souci de combiner environnement et urbanisme. Dernier exemple en date, la création, à l’entrée du port de Copenhague, d’une île artificielle qui servira à la fois de régulatrice hydrographique, de facilitatrice de la mobilité et d’extension urbaine. « Notre ville est particulièrement exposée au changement climatique, à la fois du point de vue de la montée des eaux que des tempêtes ou de l’érosion éolienne. Avec cette nouvelle île, baptisée Lynetteholm, nous allons renforcer la protection du point d’entrée maritime et faciliter les connexions entre les deux parties de la capitale. Nous avons établi un périmètre de 7,5 kilomètres de circonférence qui va être comblé avec des résidus de terre issus des excavations d’autres chantiers. Ces résidus sont des déchets impossibles à rejeter dans la nature mais que nous pouvons ici parfaitement recycler pour bâtir les fondations d’un nouveau quartier écologique capable d’accueillir quelques 25 000 personnes à l’avenir. »