Le cuir fait peau neuve
Audi Belgique Sustainability
Le cuir fait peau neuve

Le cuir fait peau neuve

Comme Audi, qui propose déjà sur certains modèles – notamment l’Audi e-tron GT quattro – des intérieurs sans cuir animal, de nombreux designers et chercheurs explorent les possibilités d’alternatives végétales au cuir. Sièges auto, chaussures ou sacs, ces nouveaux matériaux durables nous font entrer de plain-pied dans le futur de la technologie circulaire.

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Le cuir fait peau neuve

Une idée née sous les tropiques

L’une des toutes premières alternatives végétales au cuir a été mise au point à la fin des années 90 par Carmen Hijosa. Cette chercheuse d’origine philippine a conçu, dans le cadre de son doctorat à la London School of Art, un matériau à base de fibres de feuilles d’ananas dont la texture et la souplesse sont comparables à celles d’un cuir classique. Baptisé Piñatex, il provient uniquement de résidus agricoles, récupérés sur les plantations existantes, sans aucune irrigation supplémentaire et sans déforestation. Son impact écologique est donc beaucoup plus faible que celui du traitement des peaux animales, chaque mètre linéaire de Piñatex représentant une économie de 12 kg d’émissions de CO2. Le travail de Carmen Hijosa a depuis inspiré plusieurs autres scientifiques et concepteurs dans le monde entier, qui se sont essentiellement consacrés au recyclage de déchets de fruits exotiques. Ce n’est que récemment qu’une initiative belge a vu le jour.

La fibre belge

‘« Nous voulions avant tout écrire une histoire locale », explique Evert Vanecht, chimiste et co-instigateur d’APPEAL, un projet de recherche de l’UC Louvain-Limbourg qui s’inscrit dans le sillage de Piñatex. « Les alternatives végétales au cuir animal que nous mettons au point proviennent uniquement de déchets fruitiers belges. Il s’agit à 90 % de résidus de poires et de pommes ». Si le matériau conçu par l’équipe d’APPEAL n’est pas encore prêt à être commercialisé à grande échelle, il a néanmoins déjà servi de matière première à la créatrice Anouk Cuyckx pour le design d’un sac à main. « Le défi est maintenant de le rendre plus résistant aux déchirures et plus imperméable », poursuit Evert Vanecht. « Nous expérimentons plusieurs types de vernis, à base de fibres de lin par exemple, pour parvenir à nos fins. L’objectif est de rester sur une composition et sur un processus totalement naturels. Nous n’employons aucun produit chimique ». Une différence de taille avec le cuir animal qui nécessite pour le traitement des peaux de grandes quantités d’eau et l’emploi de chrome, un métal lourd extrêmement polluant.

Des déchets vertueux

‘La production de pommes et de poires en Belgique s’élève à environ 600 000 tonnes par an. Près de 100 000 tonnes restent cependant invendues, généralement parce que les fruits sont endommagés ou ont dépassé la date de péremption, et sont jetées. Pour préparer son cuir alternatif, l’équipe d’APPEAL récupère ces déchets et les transforme au fil d’un procédé spécifique. Les fruits sont tout d’abord mixés et réduits en pulpe. Ils sont traités dans leur intégralité, aussi bien la chair que la peau, les pépins ou le trognon, afin de conserver une quantité maximale de fibres. Ces dernières assureront en effet une meilleure texture et une plus grande résistance. La fine pâte obtenue est encore renforcée par quelques adjuvants naturels avant d’être cuite au four pour éliminer toute présence bactérienne. Une pomme est composée à 85 % d’eau, la cuisson va éliminer 90 % de l’humidité et concentrer la matière sous la forme de minces feuilles souples de 40 cm sur 60 qui n’auront plus qu’à être découpées ou assemblées.

Pas à pas

En attendant que le procédé en circuit court d’APPEAL devienne une réalité à grande échelle, on peut déjà trouver d’autres emplois de cuirs alternatifs dans les rayons de nos magasins. C’est le cas notamment d’une ligne de sneakers du fabricant Komrads qui utilise un matériau mis au point par la firme italienne Frumat. La pulpe de fruits y sert également de base mais ne compte que pour 50 % du résultat. Elle est complétée par un mix de viscose, de polyester et de coton. Un progrès évident du point de l’économie circulaire mais que le projet de l’UC Louvain-Limbourg promet de faire passer dans une nouvelle dimension encore plus durable. Un point sur lequel Evert Vanecht apporte une précision essentielle : « Le cuir animal aura toujours sa place dans le futur. Tant que nous continuerons à consommer de la viande nous aurons des peaux qu’il serait dommage de jeter à la poubelle. Mais le processus de traitement doit être amélioré, en éliminant notamment le chrome et la surconsommation d’eau. Notre travail sur les déchets de fruits est aussi une façon de faire progresser la technologie dans son ensemble. »