De la composition du fameux battement de cœur qui signe vidéo et publicités à la conception du son des portières, adapté à chaque modèle, le design sonore fait partie intégrante de l’identité d’Audi. Cédric Engels, fondateur de Sonhouse, le studio belge de référence, nous fait découvrir le pouvoir du son, et comment il habille les marques et les objets qui nous entourent.
Pour toutes les oreilles
Avant même d’ouvrir les yeux pour la première fois, dans le ventre de sa mère, un bébé perçoit déjà les bruits extérieurs. Son premier contact avec le monde, c’est l’ouïe. Et pour Cédric Engels, compositeur, ingénieur et designer sonore, cela explique l’incroyable puissance émotionnelle que peuvent véhiculer les musiques, les bruits et les sons qui nous entourent. « On sous-estime bien souvent la puissance du son comme vecteur d’identité pour les marques et pour les objets de notre quotidien. Nous sommes pourtant largement influencés par l’environnement acoustique : le bruit du moteur d’une voiture la définit tout autant que sa ligne dans notre imaginaire. Il en va de même pour tout ce qui accompagne nos façons de consommer ou de nous divertir. L’ambiance sonore d’un magasin, la musique d’attente d’une hotline, une publicité radio, un jingle… ». Cédric Engels sait de quoi il parle, son studio de création Sonhouse, qui a notamment signé les identités sonores de marques aussi diverses que Spa, Coolblue, Brussels Airport ou même le festival Paradise City, est aujourd’hui la référence en Belgique dans le domaine de la création sonore, de la musique de film et du ‘sonic branding’.
Écouter voir
À l’instar des logos de nombreuses grandes marques, certains sons ont acquis le statut de véritables icônes. Dans la musique tout d’abord. Il suffit de lire ‘pom pom pom pom’, pour immédiatement penser à Ludwig van Beethoven et à sa 5ème symphonie. Ou d’entendre les deux premières notes des Dents de la mer pour imaginer l’arrivée d’un requin géant. « Les sabres laser de Star Wars, l’alerte SMS des premiers Nokia, le cri de Tarzan déclenchent une réaction instantanée dans notre cerveau, tout comme un coup de gong, les cris d’un bébé ou une porte qui claque. En une seconde, nous savons de quoi il s’agit et nous y associons de plus une signification et des images. Ce potentiel a été magnifiquement exploité par Jim Reekes, le bras droit de Steve Jobs, qui a créé les sons emblématiques d’Apple. Jobs était obnubilé par le design mais Reekes avait compris l’importance d’une identité sonore. Il a emprunté le dernier accord de la chanson des Beatles ‘A day in the life’ pour en faire le son de démarrage des ordinateurs. Mais il a aussi conçu le ‘whoosh’ d’envoi des mails ou le bruit d’obturateur lorsqu’on fait une capture d’écran. »
Vroum, quand votre cœur fait vroum
Depuis 1996, la signature sonore d’Audi, elle aussi devenue une référence internationale, est basée sur un battement de cœur. Légèrement évoluée au fil du temps, elle reste un élément incontournable pour l’image de la marque, évoquant à la fois le cocon de l’habitacle, la proximité entre Audi et le conducteur et l’intensité de l’émotion de conduite. Mais elle est surtout le prolongement naturel d’un travail de fond sur l’habillage sonore des voitures elles-mêmes. « Le type d’automobile va définir le type de son qui sera pensé et littéralement fabriqué pour accentuer les sensations, de performance ou de confort par exemple. Ne croyez pas que le bruit de votre portière soit laissé au hasard. Les ingénieurs utilisent les technologies les plus avancées pour le concevoir et en peaufiner les moindres détails. Audi est à la pointe dans ce domaine et les identités sonores de tous les modèles sont conservées dans une gigantesque base de données, y compris les sons de l’ouverture du coffre ou de la boîte à gant. »
Une fabrique à émotions
Être reconnaissable, unique, à la fois familier et surprenant. Le ‘sonic branding’ tel que le conçoit Cédric Engels ne se cantonne pas à quelques ambiances sonores et un jingle. Il s’agit d’une approche holistique qui a fait du studio Sonhouse une référence. Comme il l’explique dans son livre The Power of Sound, l’émotion fait partie intégrante de l’expérience acoustique. C’est donc en construisant une architecture complète et cohérente qu’il habille les marques. « Il faut aussi toujours considérer les conditions d’écoute, donc disposer d’une matrice de départ suffisamment large et pertinente pour pourvoir ensuite décliner selon les besoins – musique d’attente, publicité, son des produits, ambiance sonore dans les lieux d’accueil – et selon le support. Si vous écoutez une musique sur votre téléphone, dans votre voiture ou dans une salle de cinéma, vous n’en aurez pas la même perception. Chez Sonhouse nous proposons à nos clients de développer un écosystème sonore complet, modulable et évolutif. Cela veut dire que nous partons d’une partition étendue dont nous pouvons extraire des éléments, en conservant la cohérence et l’image de la marque jusque dans la plus petite note, jusque dans le moindre ‘bruit’ ». On peut fermer les yeux pour ne pas voir, ou la bouche pour ne pas goûter, mais on peut difficilement arrêter d’entendre. Omniprésent dans notre environnement, le son se fait parfois oublier mais il n’est jamais vraiment absent de nos vies. Un pouvoir invisible, indissociable de l’expérience de conduite, qui n’en finit pas de se réinventer.