À quoi ressemblera la ville du futur ? Comment y circulerons-nous ? Comment y travaillerons-nous ? À Paris, le projet Arboretum – le plus grand campus de bureaux en bois massif d’Europe – semble nous montrer la voie. Une intégration à la nature et aux axes de circulation, un impact carbone réduit et un cadre de vie végétal : l’ère du tout béton touche à sa fin.
Faire entrer les arbres dans la ville
L’idée d’une cité végétale a longtemps nourri l’imaginaire des urbanistes et des architectes. En Belgique, Luc Schuiten est sans doute la figure la plus marquante de cette ambition un peu folle qui devient jour après jour une réalité tangible. Depuis plus de 40 ans, le Bruxellois formé à l’Académie Royale des Beaux-Arts défend ardemment l’archiborescence – une forme d’architecture utilisant principalement pour matériaux de construction toutes les formes d’organismes vivants ou d’organismes inspirés du vivant – et sa philosophie inspire aujourd’hui de très nombreux projets, en Belgique comme à l’étranger. Dans le même temps, portée par les progrès technologiques, la construction en bois s’affirme comme la solution d’avenir face aux enjeux climatiques et à la concentration urbaine.
Selon les chiffres de la Banque Mondiale, 4,4 milliards de personnes vivent en ville, soit 56 % de la population mondiale. À l’horizon 2050, cette proportion devrait atteindre 70 %. L’aménagement des espaces urbains en sera radicalement transformé, avec la nécessité de repenser la mobilité, en intégrant autrement l’automobile dans les réseaux et en réduisant le bilan carbone des villes. En banlieue parisienne, dans l’ombre des tours très bétonnées du quartier d’affaires de La Défense (le plus grand d’Europe), le projet Arboretum est un parfait exemple d’intégration du vivant dans l’architecture et l’urbanisme, avec une réflexion globale sur les transports, les rythmes de vie et la durabilité.
Un chantier exemplaire
C’est sur le site de l’ancienne Papeterie de la Seine, un complexe industriel construit en 1904 et dont l’activité a cessé en 2011, qu’Arboretum s’est installé, à 15 minutes des Champs-Élysées. Deux des anciens bâtiments de la papeterie ont été réhabilités et cinq autres ont été construits en utilisant la technique du Cross Laminated Timber (CLT). Cette technologie de pointe permet de modéliser en 3D les différents éléments de la charpente puis de les prédécouper au laser avant de les assembler sur place rapidement et sans nuisance pour l’environnement. Au total, ce sont désormais 125 000 m2 de bureaux et d’espaces de service qui s’élèvent au milieu d’un parc de 9 hectares. Soit le plus grand campus d’Europe en bois massif.
Les chiffres de ce chantier révolutionnaire parlent d’eux-mêmes : 32 400 m3 de bois issu de forêts gérées durablement, 50 % d’émissions carbone en moins sur tout le cycle de vie du campus par rapport à une construction traditionnelle, 160 000 m3 de terres issues des déblais réutilisées sur place… Quand on sait que le secteur du bâtiment représente 43 % de la consommation d’énergie et 23 % des émissions de gaz à effet de serre, on prend la mesure de l’exemple que peut donner Arboretum.
Cultiver son jardin
Autre élément fondamental du projet, l’intégration de la nature. Le campus dispose ainsi d’une promenade plantée et d’un parc dans lequel on retrouve 1 000 arbres avec une grande variété d’espèces. Un gage de préservation de la biodiversité qui se double d’une qualité de vie supérieure pour toutes les personnes amenées à y travailler. La qualité de l’air y est en effet largement meilleure que dans les zones voisines de la capitale française et l’environnement végétal apporte un confort mental et psychologique inédit.
Sur place, 10 tonnes de fruits et légumes sont produits par an, dans le potager et le verger du site. Ils fournissent la base de l’alimentation proposée dans les différents restaurants des bureaux et des espaces de coworking. Un système de géothermie couvre 80 % des besoins énergétiques liés au chauffage et à la climatisation et 20 000 m³ d’eau potable sont économisés par an grâce à la récupération des eaux de pluie.
Une autre vision du travail
Au-delà de ces performances, ce qui fait la spécificité d’Arboretum est sans doute sa volonté de repenser le rythme et la forme d’une journée de travail, en remettant le bien-être au centre des préoccupations, comme le souligne l’architecte François Leclerq, concepteur du projet :« Arboretum rompt avec les codes traditionnels de bureaux fermés. L’énergie de la ville, un accès direct à la nature pour chaque poste de travail, du bois largement visible à l’intérieur… ces bureaux marquent une nouvelle étape dans le rapport entre les salariés et les entreprises ».
Comme un contrepoint aux excès urbanistiques passés, les avancées de l’éco-urbanisme et de la construction en bois trouvent une parfaite illustration dans le développement d’Arboretum. Le rêve de Luc Schuiten semble de plus en plus accessible et peut-être vivrons-nous tous demain dans des villes-forêts, où la nature et la technologie se mêleront harmonieusement pour nous offrir un cadre de vie durable.